Le choléra à la frontière. (L’est républicain du lundi 10 octobre 1892)
Sous ce titre, on lit dans le lorrain : "on nous annonce une nouvelle que nous voudrions pouvoir démentir dès ce soir. Le choléra aurait éclaté hier à Villers sous Prény, près de Pont-à-Mousson. Il aurait été importé par une personne qui aurait rapporté des hardes d’une ville contaminée. Huit cas, dont plusieurs graves, se seraient déjà produits. Ce qui est certain, c’est qu’à la suite de cette nouvelle, le poste sanitaire de Novéant et celui de Metz, à la gare, ont reçu l’ordre de se conformer, très rigoureusement à leurs instructions."
Mais d’autre part, l’espérance a reçu cette rassurante lettre : "le bruit s’est répandu en deçà, et au-delà de la frontière que le choléra est à Villers sous Prény. Vous savez ? le marchand de faïences ambulant, on ne le voit plus. Parce qu’il est mort à 9h. On l’a enterré à 11h. Sans sonner les cloches. Il était déjà tout noir. Il y en a plus de soixante autres qui sont au lit. Voilà ce qui se dit et se répète aux environs. C’est à faire venir la chair de poule, n’est-ce pas ?
C’est à Vandières surtout qu’on a peur ! Aussitôt qu’on voit arriver un habitant de Villers, on s’en sauve comme d’un pestiféré, et, s’il adresse la parole à quelqu’un, on ne le laisse pas approcher plus près que la longueur d’une perche à houblon. le coquetier de Villers n’a le droit de donner ses commissions à Vandières qu’à travers les fenêtres et au bout d’une gaule. Le colporteur de journaux qui habite Vandières a été menacé d’être mis en quarantaine, s’il venait encore à Villers, et il a dû, pour aller à Vilcey sur Trey, passer par Prény, et revenir par Norroy. Il fut même question de barrer le Trey et de le faire refluer vers sa source pour rentrer sous terre, de peur, que l’eau entraîne avec elle, du côté de Vandières les microbes de la terrible maladie".
"La vérité vraie, c’est qu’un pauvre homme, soigné trop tard, est mort à Villers de la dysenterie. Les précautions de propreté n’ont pas été prises, et, en trois jours, trois petits enfants de trois, cinq et huit mois sont morts.
Les trois petits anges ont sans doute intercédé pour le village, et la mort s’est déclarée satisfaite de ces trois victimes".
"Si, comme le conseil en avait été donné, on avait fait venir à temps le médecin cantonal, et qu’il ait indiqué les mesures hygiéniques à prendre, on aurait pas plus parlé de la maladie courante de Villers que d’ailleurs. La preuve, c’est qu’après la visite bénévole d’un jeune medecin, venu sur la prière du curé, les quelques malades atteints se sont vite rétablis.
Le marchand de faïences lui-même rit du renom qui lui a été fait, et il espère qu’à sa première tournée, les ménagères vont lui faire fête, en lui achetant, beaucoup de faïences".
"Ce qui a mis en émoi Vandières et les environs, c’est l’arrivée d’un beau monsieur, mandé on ne sait par qui, venu on ne sait d’où, les uns disaient de Paris, les autres de Nancy. Il a fait battre à son de caisse et afficher au placard une série de précautions, qu’on ne suivra guère. Il est un remède qui a plus de succès, c’est le thé au rhum. Nos pauvres gens, qui n’ont pas le sou, emporte à Pont-à-Mousson, des noix ou des haricots, pour acheter du thé, et du rhum, qu’ils administrent, et ils trouvent que ça fait du bien, même à ceux qui sont bien portants."
En France, on rit de tout. À Villers, on s’est fait du bon sang, à propos de la frousse des gens de Vandières. Quelqu’un qui a été bien content, c’est l’instituteur, qui a vu prolonger ses vacances de quelques jours. Bien content aussi ses élèves, qui n’avaient qu’une crainte, c’était de se voir interdire de manger des raisins. Or le beau monsieur a dit qu’on peut manger des raisins bien mûrs et cette année ils le sont tous. Des vacances, des raisins à discrétion. Quel bonheur !
Mais pas contents nos vignerons, parce que les malins et les jaloux d’alentours ont crié sur tous les toits que le choléra est à Villers et qu’il ne faut pas aller y acheter de vendange. il était venu un marchand avec 4000 francs, rien que pour les arrhes. On l’a arrêté en route. Que nos vignerons se consolent ! Ils y gagneront. 40 francs les 100 kg représentent du vin à 20 francs la hotte de 40 litres. Or, plus tard, ils vendront facilement 25 francs la hotte, et ils auront leur piquette et leur petite goutte, pour boire, en mangeant leur pommes de terre en robe de chambre. Pourvu qu’ils aient la patience et la fermeté de ne pas aller trop souvent sonder le tonneau de bon vin à vendre, pour voir s’il se gâte !
Conclusion : 1. nos villageois feront bien de ne pas t’en compter sur le robusticité et de prendre un peu plus de précautions pour leur santé. 2. quelques notions générales d’hygiène, enseignées à nos enfants des écoles, seraient plus utile que tant d’autres qui ne leur serviront jamais. Ce serait d’une efficacité plus pratique que les affiches, qui n’ont d’autres résultats que de mettre les gens émoi.
Choléra (Courrier de Metz du 11 octobre 1892)
Vendredi soir, des voyageurs venant de Pont-à-Mousson, répandaient le bruit à Metz que le choléra avait éclaté à Villers sous Prény, près Pagny sur Moselle, à quelques kilomètres de la frontière. Le même bruit était lancé dans la même soirée à Nancy. Nous n’avons pas cru cru devoir en faire mention dans notre dernier numéro, vu le manque de renseignements sûrs. Aujourd’hui, nous avons la satisfaction d’annoncer à nos lecteurs que le bruit en question n’était pas fondé. Nous tenons de la bouche même de Monsieur le docteur Riboulot, médecin à Pont-à-Mousson, chargé de soigner les malades de Villers, qu’il ne s’agit pas de choléra, mais simplement d’une forte dysenterie. Un vieillard septuagénaire et trois enfants en bas âge ont succombé. Il y a encore plusieurs malades, il est vrai, à Villers sous Prény, mais il n’y a pas de quoi mettre la consternation parmi nos populations.
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