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Fonderies de Pont à Mousson |
L’éclair de l’Est du 9 mai 1927
histoire et généalogie des familles de Vandières en Meurthe et Moselle
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Fonderies de Pont à Mousson |
Vandières. Écrasé par un tombereau.
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Caserne des douanes à Chambley |
Les soldats creusèrent une fosse pour enfouir ces cadavres. Surpris par le passage d’une troupe d'artillerie, ils se cachèrent, honteux de leur travail. Restés seuls, ils achevèrent leur sinistre besogne.
Pendant quatre ans, la terre qui recouvrait ces morts garda son secret. Mais des images pieuses échappées du bréviaire de M. Mamias et tachées de sang, le témoignage d’un jeune homme qui, caché dans un arbre, avait suivi de loin, ce drame sanglant, les aveux d’officiers allemands, attristés et indignés de ce massacre inutile, vinrent porter jusqu’en France et jusqu’aux extrémités du monde la nouvelle de ce forfait allemand.
Passant, souviens-toi et médite.
Là, sous la pluie qui tombe lourde, sous un ciel bas et gris d’automne les divers orateurs vont rappeler en termes émus la mémoire des six victimes de la barbarie allemande :
MM. l’abbé Mamias, 48 ans, curé de Vandières ; François Durand, 59 ans; Henri Fayon, 64 ans ; Poussardin Eugène, 20 ans ; Péquillat Marcel, 19 ans, tous les cinq de Vandières, et Dozard Georges, 15 ans, de Villers sous-Prény.
Une Lettre De MGR Jérôme
M. l’abbé Noblemaire bénit le monument et donne lecture d’une lettre de Mgr Jérôme, vicaire capitulaire de
Nancy, qui écrit notamment :
C’est une sainte pensée, que tous ont eue d’élever à ces glorieux morts le monument que vous allez bénir. Je les félicite. Ce monument rappellera des jours douloureux, mais aussi il évoquera en la personne du cher curé d e Vandières, qui fut si cruellement et si odieusement frappé, là, entre Bayonville et Arnaville, à la tête de ses paroissiens, la figure du bon Pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis et avec ses brebis.
J’ai voulu relire les pages si émouvantes que lui consacre notre livre d’or. J'ai voulu, un instant, revivre avec vous ces heures angoissantes des mois d’août et septembre 1914, et gravir à nouveau à la suite du cher
curé, le calvaire qui devait le mener à la dernière immolation, au suprême sacrifice. Ce fut le sacrifice, ce fut
l’immolation du bon pasteur. Bon pasteur, certes, il l’avait été toute sa vie, il le fut surtout, il le fut jusqu’à l’effusion du sang, en ces jours douloureux, partageant les souffrances de ses paroissiens, multipliant les démarches qui pouvaient adoucir leur sort ou écarter les dangers qui les menaçaient, les défendant contre les vexations d’un ennemi pour qui la guerre justifiait toutes les rigueurs et les pires cruautés. Et comment n’être pas ému jusqu’aux larmes à la lecture des dispositions dernières que quelques jours avant sa mort, sous le regard de Dieu, il consignait dans son journal. Le 11 août 1914, à 1’approche des premières menaces, il avait écrit : « Seigneur, s’il faut être victime et si vous me jugez digne de tant d'honneur, je fais
volontiers le sacrifice de ma vie pour ma chère patrie. C’était le calvaire qui commençait. Il se continua au cours des semaines qui suivirent. Le danger s’aggravait chaque jour. Le bon curé ne se faisait plus guère d’illusion, et, généreusement, il renouvelait son sacrifice : « Sainte Vierge Marie, écrivait-il encore, recevez
votre prêtre qui vous supplie humblement de lui venir, en aide; bénissez mes paroissiens pour lesquels j’offre
mes souffrances, ma dernière agonie et ma mort. Le mois de septembre se passe dans l’attente. Le 29, l’immolation était consommée, et vraiment, dans toute la réalité de l’expression, le bon pasteur avait donné sa vie pour son troupeau, et dans des circonstances telles que la seule lecture du récit qui nous retrace ce douloureux martyre fait encore passer dans nos âmes je ne sais quel frémissement d’indignation et d'horreur.
Oh ! oui. monsieur le curé, une fois encore je remercié avec vous les paroissiens de Vandières et de Bayon-
ville, d'avoir voulu, par ce monument que leur piété émue élève à la mémoire de ces glorieuses et saintes victimes, rappeler aux générations futures le souvenir de ces jours tragiques, que nous, qui les avons vécus, qui les avons soufferts, ne saurions oublier.
Certes, ce n’est pas un sentiment de haine qui anime nos cœurs, en ce moment. Nous pardonnons, comme
Jésus pardonnait sur la Croix ; nous pardonnons, comme pardonnait notre cher abbé Mamias à ceux qui se faisaient ses bourreaux et les bourreaux de ses paroissiens. Nous pardonnons, mais nous ne pouvons pas ne pas nous souvenir. Et nous devons à la mémoire de nos chers morts, à la mémoire des ouailles, à la mémoire tout particulièrement du pasteur. L’hommage de notre affection, de notre reconnaissance, de notre prière. Belle, très belle et très bien remplie avait été la trop courte vie de M. l’abbé Mamias.
Plus admirable fut sa mort, mort affreuse, mais si chrétiennement acceptée si sacerdotalement offerte pour sa paroisse et pour la France.
M. Quenette, maire de Vandières, apporte à son tour son hommage et celui des habitants de sa commune à la mémoire de leurs malheureux concitoyens tombés victimes de la barbarie allemande.
Il remercie M. Lemoine, maire de Bayonville, à qui est due l’initiative du monument qu’on inaugure aujourd’hui. Il remercie M. Marin qui a bien voulu par sa présence; rehausser l’éclat de cette cérémonie, et affirme que la population de Vandières entretiendra et vénérera le monument, qui lui servira de symbole pour inculquer à ses enfants le culte du souvenir.
M. Moissette s’incline au nom des anciens combattants de Pagny-Vandières devant la souvenir de ceux qui furent d’innocentes victimes.
Puis M. Lanno et M. Grandcolas , conseillers d'arrondissement des cantons de Pont-à-Mousson et de Thiaucourt saluent respectueusement les victimes de l’attentat dont on commémore le douloureux souvenir.
M. le commandant Durand, remplaçant M. le colonel Hareng au nom du Souvenir Français, s'incline devant le monument et affirme que le souvenir des héros tombés là restera vivant dans le cœur de toutes les populations lorraine et française.
Attentivement, on pourrait presque dire religieusement écouté par cette foule qui participé vraiment de toute son âme à la cérémonie, M. Louis Marin montre quel réconfort apportent ces manifestations du souvenir. Les parents et amis des victimes peuvent se dire que quand celles-ci sont tombées c’est à eux qu’allait leur pensée.
L'endroit où ces victimes ont été frappées est désormais sacré. Là où le sang des martyrs a coulé, leur âme revient pour insuffler sa foi aux vivants. Si elle revient, l’âme des martyrs dont on commémore le sacrifice, pourra se dire que leur immolation n’a pas été inutile, qu’elle a servi le pays.
Quand on connaîtra dans le monde entier, car on ne les connaît pas encore, tous ces innombrables massacres qui se sont passés dans les pays envahis, quand on les connaîtra bien, la guerre paraîtra encore plus repoussante.
M. Alfred Brichon confirme cette impression. - Je le vois toujours, nous dit-il, grimaçant devant moi, le revolver à la main, alors qu'il faisait réquisitionner mes chevaux. Pendant près d'une demi-heure il m'a tenu par la gorge comme s'il voulait m'étranger.
M. Barthélémy, qui remplissait les fonctions de maire à Pagny, a gardé lui aussi le plus fâcheux souvenir de ses relations avec Von Keyser.
Une figure bestiale. Son aspect ne plaidait pas en sa faveur. Il avait toujours la menace sur les lèvres et le revolver à la main. Que de fois je l'ai entendu me dire : « Monsieur le maire, j'ai fait fusiller les gens de Jarny. Si cela ne va pas mieux ici vous subirez le même sort ». Il nous gardait prisonniers à chaque instant. Ses ordres de réquisition devaient être exécutés en un clin d'oeil.
Un autre habitant nous conte cette anecdote :
Au début dès hostilités, M. Husson, alors âgé de près de 80 ans, était maire. Von Keyser le somma un jour de lui procurer en quel-ques minutes 35 kilos de saucisson. M. Husson riposta que ses jambes n'étaient plus assez alertes et qu'il ne pouvait faire la tournée du village.
Von Keyser entra dans une fureur dont on se souviendra longtemps à Pagny. Parcourant la grande rue en décrivant des vastes cercles avec ses bras il s'écriait, congestionné :
Mais Monsieur le maire, vous êtes un zéro. Je fous réfoque, je fous réfoque ! un zéro, un triple zéro !
M. Husson fut, comme bien on le pense, enchanté de ne plus avoir affaire au terrible major.
Un autre jour, von Keyser avisant un des notables de Pagny, M. Boudat, qui puisait dans ses convictions religieuses une sérénité imperturbable, lui dit l'air goguenard, le revolver au poing :
Vous n'avez pas l'air d'avoir peur de moi !
M. Boudat, indifférent, répondit : « Je ne crains que Dieu ».
Von Keyser s'écria que c'était prodigieux de voir un homme comme cela et qu'il en ferait volontiers un préfet, ce qui ne l'empêcha pas d’ailleurs un peu plus tard de braquer son revolver à différentes reprisés vers M, Boudat.
En quelle mesure von Keyser est-il responsable de la mort des otages de Vandières et notamment de l'abbé Mamias ? Nul ne saurait le préciser à Pagny. On vit vers la fin de septembre l'abbé Mamias et ses malheureux compagnons passer entre des Soldats allemands baïonnette au canon. On les conduisait vers Arnaville où ils furent fusillés sur la route, à la sortie du village.
Au cours de notre enquête à Pagny, nous avons pu recueillir cependant des détails assez curieux qui projettent un jour singulier sur l'hypocrisie de von Keyser.
Quelques jours avant la fin tragique de l'abbé Mamias, Von Keyser qui avait entendu parler de l'intelligence et de l’activité du curé de Vandières, le fit venir à Pagny et le retint à dîner. Les désirs de von Keyser étant des ordres, l'abbé Mamias dut s'y conformer à contre-coeur. Von Keyser fit le bel esprit, joua au galant homme devant les quelques personnes présentes et le dîner terminé, déclara dans son entourage que l'abbé Mamias était dangereux et qu'il fallait songer à s'en débarrasser.
C'est un homme trop fin que pour être Curé d'un petit village comme Vandières, disait-il. Il y a du louche là-dessous. Il a dû être placé exprès à la frontière par son gouvernement !
Von Keyser voyait des espions partout. M. Pinot, qui fut maire dé Vandières pendant la guerre et que nous sommes allé voir, nous dit : « Cet homme avait l'a hantise de l'espionnage. Commandant de la place de Pagny. il était chargé des réquisitions et du service des renseignements dans la région, il allait en automobile jusqu'aux premières lignes de Norroy. Chaque fois que l'artillerie française tirait sur Vandières, il prétendait que l'on faisait des signaux et parlait de me faire fusiller. Dès qu'un obus tombait, il se dressait revolver au poing, hurlant que j'avais un téléphone dans ma cave.
Lè 26 septembre, des projectiles ayant atteint l'ambulance allemande de Vandières, il me fit conduire chez l'abbé Mamias et nous retint prisonniers. On perquisitionna chez moi. Le lendemain on me remit en liberté, puis on m'arrêta encore pour me relâcher quelques heures après.
Le commandant von Keyser dirigeait l'enquête qui ne prouva d’ailleurs rien. Les allemands avaient le droit de tirer, mais quand les Français répondaient, Von Keyser se fâchait tout rouge. Enfin, après un dernier conciliabule avec un capitaine d'artillerie, il fit emmener à Pagny l'abbé Mamias et cinq autres habitants, dont trois garçons de culture âgés de 21, 20 et 15 ans.
De Pagny, ils furent dirigés Sur Arnaville et c'est à la sortie de cette commune que leur escorte les fusilla. Jamais, ajoute M. Pinot, les allemands n'ont tenté de justifier ce crime.
Le lendemain je reçus un papier disant que l'abbé Mamias et ses compagnons avaient été exécutés parce qu'ils avaient voulu s'enfuir ce qui était faux. Personne dans le village ne voulait croire à cet acte de sauvagerie. On pensait qu'ils étaient prisonniers. C'est seulement vers 1916 que nous eûmes confirmation de leur mort par des personnes d'Arnaville.
Et M. Pinot conclut : « Von Keyser est bien mal venu aujourd'hui de vouloir dénier sa responsabilité dans le meurtre de l'abbé Mamias et de ses compagnons.
C'est lui qui a dirigé le semblant d'enquête et qui a ordonné les arrestations. Il était tout puissant. Il semble d'ailleurs qu'il avait prémédité de se débarrasser de M. l'abbé Mamias.
En tout cas ses procédés ont toujours été ceux d'un véritable « soudard » vis-à-vis de la population.
Je parle sans passion, dit encore M. Pinot car je reconnais qu'après Von Keyser nous avons eu parfois des commandants de place qui tout en étant rigoureux étaient cependant corrects.
La cour de Leipzig avant d'entendre le « thème » de von Keyser, pourra utilement se renseigner près des populations de la région de Pagny. Ce n'est certainement pas les renseignements qu'elle pourra ainsi recueillir qui l'inciteront à rendre le verdict d'acquittement que Von Keyser attend.
Le lorrain du 17 octobre 1923.
Le gouvernement vient d’honorer trois victimes de Vandières en conférant, à titre posthume, la croix de la Légion d’honneur à M. L’abbé Jules Pierre Mamias, curé de Vandières, à M. Francois Durand, receveur buraliste de cette localité, et à monsieur Henri Fayon, vigneron, lui aussi de Vandières. En compagnie de deux jeunes garçons de 19 ans, les malheureux furent emmenés en septembre 1914 par les Allemands, qui les fusillèrent entre Arnaville et Bayonville, en contrebas du vieux chemin de Novéant. Inhumés sur place, il furent exhumés en 1920 et une croix de bois se voit encore sur le lieu de leur mort tragique, dans l’attente sans doute de la pierre commémorative qu’Arnaville et Vandières devraient bien ériger là.
Il est permis d’espérer que la mort de leurs deux jeunes compagnons de martyr leur vaudra également quelque jour une manifestation officielle de reconnaissance.
L'est républicain du 27 mars 1924.
Comment Von Kayser fit assassiner les otages de Vandières
Le major Von Kayser, du 65ème régiment d'infanterie allemand, que le conseil de guerre de Nancy vient de condamner à mort par contumace, est bien connu dans la région de Pagny-sur-Moselle, où il exerça au début de la guerre les fonctions de commandant d'armes.
Il incarnait le vrai type du « soudard ». De taille moyenne, trapu, il était d'une laideur peu commune. Avec ses petites moustaches « poil de carotte », ses lunettes d'écaille, sa tête carrée, on eut dit une véritable caricature, un de ces boches comme on en voyait jadis dans les jeux de massacre.
Il ne parlait aux notables de Pagny, de Vandières et des villages voisins que le revolver à la main et en les menaçant constamment de les faire fusiller. M. l'abbé Jules-Pierre Mamias, qui devait être sa victime,
était né à Jarny le 23 septembre 1866. Successivement professeur, puis économe au petit séminaire de Pont-à-Mousson, il devint aumônier du couvent de la Nativité, puis fut nommé en 1907 curé de Vandières. M. l'abbé Mamias, qui resta pendant douze ans à Pont-à-Mousson, était très connu dans cette ville. Ses fonctions d'économe du petit séminaire le mettaient d'ailleurs en relations avec de nombreux commerçants. C'était un prêtre renommé pour sa vive intelligence.
Le 30 août 1914, les Allemands occupèrent le village de Vandières. Aussitôt, le maire, M. Pinot, le curé Mamias et quatre notables furent appelés à Pagny. Un capitaine leur fit savoir qu'ils seraient gardés comme otages pendant 24 heures pour être ensuite remplacés par d'autres, et que le maire et le curé rentreraient à Vandières pour y maintenir l'ordre. A chaque échange d'otages, il y avait des difficultés. Pour les aplanir, M. le curé Mamias se rendit à Pagny et vit pour la première fois, le 2 septembre, le major Von Kayser. Il lui affirma que la population de sa paroisse était pacifique et il se porta garant qu'il n'y aurait aucune agression. Bref, il parvint à obtenir la suppression des otages. Le 3 septembre, le major le fit appeler à Pagny. Dans son journal qu'il tenait au jour le jour, M. l’abbé Mamias faisant allusion à cette entrevue écrivit ; « Il s'agissait simplement de me faire parler, sans doute pour m'étudier et s'assurer que j'avais dit vrai la veille. »
Appréciant le major Von Kayser, il le jugeait avec la plus grande perspicacité ; « Un homme dont on peut tout espérer et dont on peut tout craindre, capable de générosité et capable aussi des plus cruelles atrocités. »
Von Kayser poussa l'hypocrisie jusqu'à inviter l'abbé Mamias à venir chez lui le 4 septembre avec le révérend-père Deibler, qui administrait la cure de Pagny. Les désirs de von Kayser étant des ordres, l’abbé Mamias dut s'y conformer à contre-coeur.
Von Kayser fit le bel esprit, joua au galant homme et l'entretien terminé, il déclara dans son entourage que l'abbé Mamias était dangereux et qu'il fallait songer a s’en débarrasser. « Cet homme est trop fin, disait-il, que pour être curé d'un petit village comme Vandières. Il y a du louche là-dessous. Il a été placé là par son gouvernement pour faire de l'espionnage »
Ce Von Kayser voyait des espions partout. Chaque fois que l'artillerie française plaçait quelques obus sur la gare de Vandieres, il s'écriait que des habitants faisaient des signaux ou possédaient des téléphones dissimulés dans leurs caves. Quand les convois allemands passaient sur la route de Villers-sous-Prény, ils étaient aperçus de Mousson et nos observateurs les signalaient à l'artillerie, qui tirait aussitôt. Von Kayser prétendait que pour tirer avec autant d'à-propos, les artilleurs français étaient guidés par un téléphone secret.
Le 25 septembre, des projectiles ayant atteint l'ambulance de Vandières, von Kayser donna libre cours à sa fureur. Il fit arrêter le maire, M. Pinot, chez qui on perquisitionna, puis on le remit en liberté. A la suite d'un long conciliabule avec un capitaine allemand, Von Kayser fit emmener, le 28 septembre, à Pagny, l'abbé Mamias et quatre autres habitants ; M. François Durand, M. Fayon, cultivateur; MM Eugène Poussardin, 20 ans, et Marcel Périllat, 19 ans, garçons de ferme.
Ils passèrent la nuit dans une salle du patronage, gardés par des soldats, baïonnette au canon.
Le lendemain matin, c est-à-dire le mardi 29 septembre, on les fit monter en charrette.
On les vit passer à Arnaville, encadrés par des soldats. M. l'abbé Mamias lisait son bréviaire.
Où allez-vous ? lui cria un habitant qui le connaissait. Il fit comprendre par gestes qu’il n’en savait rien.
A un kilomètre, la voiture s'arrêta. Les otages firent à pied quelques centaines de mètres et arrivèrent ainsi près du peloton qui avait été commandé pour l'exécution.
Que se passa-t-il alors ? Les Allemands avaient éloigné des champs environnants les quelques travailleurs agricoles qui s'y trouvaient. Seul, un enfant grimpé sur un arbre pour y cueillir des fruits fut le témoin caché et terrorisé de ce drame.
Les garçons de culture voyant qu'on allait les fusiller esquissèrent une courte résistance. Ce fut une véritable tuerie. Les Allemands tirèrent aussitôt sans bander les yeux de leurs prisonniers, sans attacher ceux-ci a un poteau.
M. l'abbé Mamias fut achevé à coups de crosse et à coups de pied. Quand on l'exhuma on constata en effet que son crâne était fracassé et ses membres brisés. Les soldats du peloton d'exécution creusèrent une grande fosse. Une colonne d'artillerie étant survenue, ils se cachèrent, puis, restés seuls, ils achevèrent leur sinistre besogne. Le lendemain, des enfants d'Arnaville trouvèrent la tombe toute fraîche, et ils ramassèrent des images ensanglantées tombées du bréviaire de M. Mamias.
Von Kayser, à qui incombe la responsabilité de ce crime, ainsi que l'a établi M. Fressard, commissaire de police mobile, au cours de son enquête, devait comparaître devant la cour de Leipzig.
Très inquiet, il avait même écrit à Pagny-sur-Moselle pour retrouver des prisonniers de guerre français dont il se flattait d’avoir adouci la captivité.
Avait-il des jours de férocité et des jours de clémence ?
La France ayant retiré ses dossiers a Leipzig en présence de la partialité révoltante des juges allemands, les crimes de von Kayser ont, dans ces conditions , été soumis au conseil de guerre de Nancy.
Le féroce soudard accueillera certainement avec un ironique sourire la nouvelle de la condamnation prononcée contre lui. Etant en Allemagne à l'abri de tout châtiment corporel il lui importe sans doute peu d'être flétri devant l'histoire et devant l'humanité.