L’éclair de l’Est mercredi 14 septembre 1910 Audience amusante à la simple police samedi. Un curé était cité devant Monsieur Bernardin, le curé de Vittonville.
Contravention: a passé sur le terrain d’autrui et, de plus, a refusé de donner son nom au garde champêtre.
Monsieur le curé, devant une salle comble, a défendu lui-même sa cause, en un plaidoyer d’une calme ironie que nous regrettons de ne pouvoir reproduire en son entier.
C’est le 29 août 1910 que Monsieur le curé allait de Vittonville à la gare de Vandières. Pour traverser les plaines qui bordent la Moselle, trois chemins s’offraient à lui, le conduisant au bac :
L’un inabordable et que personne ne fréquente,
Un autre à peu près parallèle au premier,
Un troisième plus court.
C’est ce dernier qu’avait pris Monsieur le curé de Vittonville, comme tout le monde et comme il le fait depuis trois ans qu’il habite le pays. Il y rencontra même le garde champêtre, On se salua.
Ici, laissons la parole à Monsieur le curé.
Arrivé à la salle d’attente, j’étais seul, quand je vois l’homme au képi galonnée regarder au travers de la fenêtre. Il entre, me salue respectueusement et tout tremblant, il m’annonce qu’à son grand regret, il est obligé de me dresser procès-verbal.
« Pourquoi donc, Monsieur ? lui dis- je »
« Vous avez passé dans le pré de Monsieur Durand »
« Mais, mon brave monsieur, je ne sais pas où est le pré de Monsieur Durand, et je n’ai pu faire aucun dégât, puisque vous avez vu que je suis passé par un chemin où tout le monde passe »
« Oui, c’est vrai, monsieur le curé, mais que voulez-vous, il le faut. Monsieur Durand m'y oblige »
« Mais alors monsieur, ne serait-ce pas à ma soutane que vous en avez voulez ? »
« Autant vous dire Monsieur le curé, c’est la vérité. Si ce n’est pas malheureux »
Puis, toujours tout tremblant, le garde champêtre me demande mon nom. Je réponds, non pas en donnant mon nom, mais la qualité dont je m’honore, Monsieur le juge, puisque c’était elle, semble-t-il, qui était visée.
Il résulte bien, en effet, vu toutes les circonstances, que vous avez devant vous, non pas Monsieur Christophe électeur à Vittonville, mais un prêtre, traduit devant vous à cause de son caractères sacerdotal. (vifs applaudissements dans la salle)
Je suis à cette barre parce que je suis passé par un chemin où des milliers et des milliers de voyageurs sont passés avant le 29 août 1910 et où des centaines sont encore passés depuis cette date.
c’est un droit, monsieur le juge, que je ne conteste pas à Monsieur Durand d’autoriser tout le monde à passer par un chemin pratiqué dans son pré, et fréquenté depuis de nombreuses années, et de me faire défense à moi seulement de passer par ce chemin. Au moins encore faudrait il que cette défense fut formelle et portée à ma connaissance.
Et, Monsieur le juge, comme l’invitation à me présenter devant vous m’a occasionné des frais de déplacement et me prend un temps précieux, la veille d’une grande fête de l’église catholique, dont je suis le ministre, je demande 20 francs de dommages-intérêts à Monsieur Durand, qui a obliger à me déclarer procès-verbal.
Le ministère public a conclu à la non contravention.
Le juge de paix a adopté ses conclusions et a renvoyé Monsieur le curé de Vittonville indemne, sans lui accorder toutefois satisfaction sur sa demande reconventionnelle de 20 francs en dommages-intérêts.
Ce que Monsieur le curé de Vittonville n’a pas dit, mais ce que nous pouvons dire, nous, pour bien démontrer qu’on se trouvait là, en présence d’une manifestation de rage blocarde, c’est que le 28 août, veille du jour où le garde champêtre dut dresser procès-verbal, la frontière de Vittonville-Champey avait rehaussé de sa présence, la belle fête du patronage catholique des jeunes gens de Vandières.
Le bloc de l’endroit, sans doute furieux, vomissait le lendemain sa colère rentrée
Le prêtre de Vittonville est Albert Auguste Christophe né le 15 février 1879 à Uruffe ( Meurthe et Moselle). Il a été ordonné prêtre en 1906 et a été nommé à Vittonville en 1908.
Le plaignant est un des deux frères Durand, Auguste Nicolas âgé de 65 propriétaire exploitant ou son frère François âgé de 63 ans. Célibataires, ils habitent la même maison à l'angle de la rue Magot et la rue de Pont à Mousson.
François Durand sera une des victimes de la barbarie allemande, fusillé à Bayonville le 29 septembre 1914.
Chemin utilisé de Vittonville à Vandières longeant en partie le Trey