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Fonderies de Pont à Mousson |
L’éclair de l’Est du 9 mai 1927
Pont-à-Mousson 8 mai de notre correspondant particulier :
Aujourd’hui a eu lieu à Blénod-les-Pont-à-Mousson, l’inauguration du monument qu’un comité spécialement formé à cet effet a fait ériger au cimetière de cette localité, en mémoire des malheureuses victimes de la catastrophe des fours à coke.
Ce terrible accident est encore présent à tous les esprits : c’était le 22 décembre dernier, quelques minutes avant midi, alors que de nombreux ouvriers étaient occupés à la construction d’un silo à charbon destiné au four à coke. Celui-ci s’effondra subitement, en se laissant sous les décombres plus de 20 ouvriers. Le douloureux bilan : huit morts, 12 blessés. Parmi les premiers, six ouvriers italien de l’entreprise tombaient au champ d’honneur du travail, aux côtés de deux malheureux de nos compatriotes Maury Pierre, de Lesmésnil, Thiébaut Émile, de Vandières.
Nous en rappelons la liste funèbre :
Pesenti Giuseppe, né le 4 octobre 1878 à Caravagnio.
Zabotti Antonio, né le 8 mai 1900 à Bléda-Di-Piave. Célibataire.
Pazzini Egidio, né le 8 octobre 1902 à Valbrona. Célibataire.
Pinosa Giacomo, né le 29 avril 1883 à Lusevera. Marié père d’un enfant.
Muzollon Léon, né le 1er août 1896 à Aldéno. Célibataire.
Cominelli Bernard, né le 25 janvier 1874 à Cirette. Marié père de deux enfants.
Ils demeuraient à Blénod pour la plupart.
Bientôt, une louable idée germa dans le cœur de ceux qui placent au plus haut point la reconnaissance et l’immortalité du suprême devoir. Des membres de la colonie italienne, nombreuse dans cette ruche ouvrière, manifestèrent le désir d’élever un monument à leur camarades disparus. Bientôt un comité se forma, à la tête duquel fut placé M. Onguari.
La municipalité de Blénod, dont il faut féliciter le geste, facilita la tâche en autorisant la construction du monument dans le cimetière communal, lieu si parfaitement choisi pour la réalisation d’une telle œuvre.
Aujourd’hui, alors que les drapeaux flottent au vent pour honorer l’héroïne Lorraine, il semble que c’est bien là le moment pour accomplir la mission finale : inaugurer et bénir le monument, et après un salut suprême aux victimes en donner la garde à ceux qui, aujourd’hui, demain et toujours, auront la charge des destinées de la petite cité.
Après la célébration de la messe paroissiale, où se sont réunis, dans un même sentiment religieux, respectueux et patriotique, autorités et population, un cortège se forme à 11h, sur la place de l’église. Y prennent part M. Ville, conseiller de préfecture, délégué par M. le préfet de Meurthe-et-Moselle, M. le consul général d’Italie à Nancy, MM. Pierson, maire et Henri, adjoint de Blénod, les membres du conseil municipal, MM. Mouchette, directeur des fonderies, Marin commissaire spécial, Denis, conseiller municipal de Pont-à-Mousson, délégué par la municipalité, Monsieur Gosset, directeur de l’entreprise, M. Onguari, président du comité d’érection, les familles des victimes, leurs camarades rescapés de la catastrophe, etc…
L’union musicale italienne de Nancy, ce sont ensuite le sport mussipontain, plusieurs hommes et jeunes gens porteurs de cinq gerbes superbes. Puis les autorités, suivies par une foule nombreuse et recueillie. Le vénérable curé de la paroisse, M. l’abbé Bertrand, qui a rendu, au cours de la cérémonie, un hommage aux victimes et manifesté ses sentiments à l’égard des familles éprouvées, prends place dans le cortège afin d’ apporter la suprême consolation à tous ceux qui ont souffert et béni ceux qui ne sont plus. Le cortège se met en marche, mais presque aussitôt il s’arrête. Un salut fraternel et un hommage de reconnaissance va être rendu aux enfants de Blénod, aux héros de la grande guerre, eux aussi victimes du devoir. Le monument apparaît, où sur son piédestal, le poilu héroïque s’apprête à lancer sa grenade.
Un jeune homme de Blénod, soldat de demain, dépose une gerbe en reconnaissance à ses aînés. La sonnerie "aux champs" retentit et, au son d’une marche funèbre, le cortège arrive au cimetière et fait face au monument. Celui-ci est recouvert d’un grand drapeau aux couleurs nationales italiennes, qui tombera bientôt pour laisser apparaître dans sa touchante simplicité le monument de granit sur lequel on peut lire ces mots : "À nos frères de travail victimes de l’accident des fours à coke. 22 décembre 1926. Les rescapés", et gravé en lettres d’or sur une plaque de marbre les noms des huit malheureuses victimes que nous avons cité plus haut.
Après la bénédiction, donnée par Monsieur le curé de Blénod, M. Onguari en quelques mots, adressa l’expression de sa reconnaissance à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l’érection de ce modeste monument. Il remercie en particulier M. ville, M. le consul général d’Italie, M. le curé de Blénod ainsi que la municipalité, pour l’empressement qu’ils ont apporté si généreusement en cette circonstance.
Il salue les familles de ceux que l’on honore aujourd’hui est, s’excusant de rappeler le souvenir douloureux, ils leur manifeste, au nom de tous, les condoléances émues et attristées. M. Onguari termine en adressant aux morts le suprême adieu.
Traduction est donnée en langue italienne des impressionnantes paroles qui viennent d’être prononcées. Puis M. Onguari remets le monument à la commune de Blénod.
M. Pierson, maire de Blénod, salue les victimes du devoir et glorifie leur mort au travail. Il loue la fraternité qui unit deux peuples et dont l’expression se manifeste davantage encore dans un tel jour de deuil.
M. le consul général d’Italie, parlant dans sa langue nationale, tient lui aussi à adresser l’hommage du gouvernement italien à tous ceux qui ont pris part à cette manifestation et qui, par leur dévouement, ont contribué à l’érection de ce monument.
La marseillaise retentit, suivi de "fermez le ban" et la foule compacte, se retire respectueuse et profondément impressionnée.
À l’issue de cette cérémonie, un vin d’honneur fut servi au café du centre par les soins du comité du monument.
L’accident semble avoir été causé par un étais fait de poutres de bois qui a cédé entraînant la chute du coffrage et de la poutre principale où devait être coulé du béton.
Émile François Thiébaut est né le 19 février 1893 à Vandières. Il est l’aîné des huit enfants de Pierre Thiébaut (1861-1926), originaire de Vittonville et de Marie Marguerite Padroutte, née à Vandières (1869-1929).
Ils se sont mariés en juin 1890 à Vandières et s’installent rue Magot (rue Saint Jean).
Après une scolarité sur les bancs de la nouvelle école de Vandières, il devient maçon.
En novembre 1913, il rejoint le 169ème régiment d’infanterie à Toul pour effectuer son service militaire.
Dès l’entrée en guerre, Il participe à de nombreux combats avec ce régiment des loups du Bois le Prêtre.
Il est blessé une première fois à la main le 27 décembre 1916 aux carrières d’Haudromont (Meuse), puis une seconde fois par balle le 17/08/1918 à Autrèches (Oise)
Cité à l’ordre du régiment le 10 août 1915 :
"Agent de liaison, a fait preuve d’un dévouement absolu et prolongé en assurant la liaison de sa section à tous les combats du Bois le Prêtre"
Cité à l’ordre de la brigade le 16/10/1917 :
"Agent de liaison, modèle de bravoure et de sang froid , a assuré la liaison le 7 septembre 1917. Le 14 septembre 1917, chargé de transmettre un message à son chef de bataillon, a donné le plus bel exemple de courage en traversant sous un tir de barrage intense et un feu nourri de mitrailleuses.
Il est décoré de la Croix de guerre.
De retour du front avec une pension d’invalidité, il se marie à Vandières le 2 août 1924 avec Marie Marguerite Henry. Elle est divorcée depuis 1911 de Firmin Joseph Barbonnait, cafetier rue de la gare.
Le couple continue l’exploitation du café.
Émile François est mort lors de ce terrible accident à Blénod les Pont-à-Mousson le 22 décembre 1926 à l’âge de 33 ans.
Marie Marguerite meurt à Vandières le 13 juin 1935 à l’âge de 60 ans.