11/11/2025

Tourisme des champs de bataille 4 - La croix des Carmes

Le bois-le-Prêtre construction du monument de la Croix de Carmes

Le télégramme des Vosges du 2 juin 1921. 

Au Bois Le Prêtre - La croix des Carmes

Les journaux ont annoncé que, le 31 juillet prochain , sous la présidence effective de M. Raymond Poincaré, ancien Président de la République, aurait lieu la cérémonie officielle de la pose de la première pierre du monument à élever sur l’emplacement de la Croix des Carmes, point culminant du Bois-Ie-Prêtre, qui domine la presque totalité du fameux champ de bataille lorrain, dont on a tant parlé pendant et après la guerre, et dont, chaque pouce de terrain fut disputé avec acharnement pendant plus de quatre années. 
Combien de nos compatriotes dorment là de leur dernier sommeil !!
Au cours d’un récent pèlerinage, renouvelé, sur la tombe d’un être cher, l’idée nous vient de visiter le Bois-le-Prêtre, afin de pouvoir donner quelques indications sur l’état actuel du champ de bataille, aux lecteurs du Télégramme qui désireraient assister à la future cérémonie, ou faire en ces lieux, à jamais historiques, une randonnée des plus intéressantes, sinon agréable. 
La gare d’arrivée, depuis Nancy, est Pont-à-Mousson. Dans une riante vallée, cette ancienne ville, traversée par la Moselle, n’a guère d’intéressant comme rue, que l’artère principale, qui va de la gare au cimetière confinant à la route de Mousson. On y trouvera la vaste place Duroc avec ses arcades antiques et où se trouve la maison des sept péchés capitaux, dont, une seule statue, il nous semble, reste debout, et, encore !! Sauf quelques-unes, les rues adjacentes sont étroites et, assez mal aérées. Cependant, les églises, l’hôpital Saint Martin, au style flamboyant, les établissements publics, le pont, provisoirement, restauré en bois, et certaines maisons particulières, méritent l’admiration des visiteurs. 
Un pèlerinage au cimetière de Pont-à-Mousson rappellera les exploits des hordes allemandes, qui n’ont, occupé la ville que pendant huit jours : caveaux et chapelles tumulaires écrasés par les obus. Au-dessus, le cimetière militaire très bien entretenu, et les tombes des victimes civiles de la guerre. 

Le monument de la Croix des Carmes

Pour se rendre au Bois-le-Prêtre, on prendra, la route de Pont-à-Mousson à Commercy, dont, l’aboutissement se trouve près de la gare. Le premier village est Montauville, situé à environ trois kilomètres de Pont-à-Mousson, mais cette localité en grande partie ruinée, et déjà bien restaurée, peut, n’être visitée qu’au retour. Un chemin rural, prenant à droite du pont, à environ un kilomètre avant, Montauville, conduit, au cimetière de cette localité. puis à quelque vingt mètres, au cimetière militaire annexe, dit, cimetière du chichir, où nombre de nos poilus ont été inhumés. 
De là, on domine la route qui conduit au Bois-le-Prêtre. Avant d’arriver à la forêt, à gauche du carrefour des chemins qui conduisent, l’un à Norroy, l’autre à Fey-en-Haye, se trouve l'immense cimetière du Pétang, dans lequel a été transportée la Croix des Carmes, pour la dérober aux soldats sauvés de la tourmente et aux excursionnistes désireux d’en détacher un morceau en guise de reliques ou de souvenir, geste évidemment pieux, mais qui devenait abusif alors que cette simple grande croix de bois était, déjà passablement déchiquetée par la mitraille et non gardée à son emplacement primitif. 
Du cimetière du Pétang, par le chemin de Norroy, il y a environ de 1500 à 2000 mètres pour arriver à la maison forestière du père Hilarion. C’est, dans ce site agreste et calme, parmi le bourdonnement des insectes et le chant des oiseaux, dans une atmosphère parfumée de l’odeur des arbres, que venait s’ébattre autrefois la jeunesse de Pont-à-Mousson, les dimanches et les jours de fête. Jamais sensation de paix plus intense ne nous pénétra, depuis l’orée de la forêt jusqu’à la maison forestière. Aucun bruit suspect dans l’immense forêt, qui fut un enfer il y a quelques années, mais on aperçoit déjà nombre d’arbres hachés par la mitraille, des trous d’obus, des postes de secours, des abris souterrains, des tranchées, des fils de fer barbelés, des engins de guerre encore sur place, etc. 
L’ancienne maison forestière, avoisinant l’historique fontaine où combattants français et boches, venaient puiser de l'eau, est presque totalement démolie, et non encore restaurée faute d’argent. Un vaste bâtiment en bois sert provisoirement d'abri au garde-forestier et à sa famille. Devant ce bâtiment, sous une véranda, est installé une sorte de musée renfermant des engins de guerre rouillés, trouvés dans les environs. 

La maison forestière du Père Hilarion

Le touriste est très bien accueilli à la maison forestière. Il y trouve d’ailleurs toutes sortes de boissons, mais jusqu’ici il devait se munir de victuailles. Au début de l'occupation par les boches, le garde étant mobilisé, sa jeune femme fut séparée de son petit enfant, et emmenée en captivité, où elle fut de longs mois sans pouvoir recevoir de nouvelles des siens. C’est, avec un sourire d’une tristesse infinie qu’elle raconte son odyssée. 
De la fontaine du Père Hilarion à l’emplacement de la Croix-des-Carmes, il y a encore environ 1500 mètres à monter, par un chemin rustique où les fils barbelés nous accrochent parfois au passage, si l’on n’y prête attention. Les années précédentes, on n’accédait à la Croix-des-Carmes que par le chemin indiqué sur partie du parcours et parmi les trous d’obus pour le surplus. Actuellement, une route créée par l’administration militaire mène droit au but. 
C’est durant ce trajet qu’on peut juger de la dévastation complète de la forêt, pas un arbre n’est vivant, tous mutilés et coupés à différentes hauteurs, ils soutiennent, pour la plupart, leurs branches sèches où pendent, encore parfois des lambeaux d’étoffe, etc., et auxquels bien entendu personne ne touche, car il y a danger de mort, comme de pénétrer sous bois. Le danger est, d’autant plus grand maintenant, que la nature reprenant ses droits, la broussaille reverdit parmi les arbres morts et voile le sol aux regards des chercheurs. Deux femmes furent tuées en 1920, par un éclatement de bombe produit par leur passage. 
L’emplacement de la Croix-des-Carmes où va être érigé le monument commémoratif de la reprise de cet endroit par nos braves poilus, n’est plus figuré que par un poteau muni d’une inscription et surmonté du drapeau français. 

Bois-le-Prêtre 1919



De ce point de vue, on aperçoit, à l’est, la côte de Mousson et la vallée de la Moselle ; sur le versant ouest. c’est le fameux Quart en réserve complètement haché, en face duquel, au fond du ravin, sont les cagnas et villas d’officiers boches, des cimetières boches et français-allemands, à proximité de la route conduisant de Fey-en-Haye à Norroy, village complètement en ruines, puis vers Metz. 
D’autres centres du champ de bataille sont aussi intéressants à visiter, notamment le Gros Chêne près de Fey-en-Haye, situé à environ deux kilomètres de l’emplacement de la Croix-des-Carmes, mais il faudrait longer le Quart en réserve, parmi les trous de marmitages et les excavations dangereuses, sans chemin frayé. Il nous semble que le plus simple serait de revenir sur ses pas jusqu’au cimetière du Pétang, puis de prendre la route ou tranchée de Fey. Dans ce parcours, on rencontre divers postes de secours, le charnier et plusieurs abris encore intacts, pour revenir en des chemins peu faciles, vers Montauville, par les sources et la Fontaine des Cerfs. Ceci n'a d’ailleurs plus qu’un intérêt secondaire, car les tombes éparses, ainsi que les cimetières du Gros-Chêne, de l’auberge Saint-Pierre ont été relevés et les corps transportés au vaste cimetière du Pétang. 
Il nous semble qu’une journée ne suffirait pas pour visiter le tout, et les indications brèves que nous donnons sont loin d’être complètes, tout en présentant aux personnes désireuses d’aborder ce champ de bataille mémorable, les plus utiles renseignements. 

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