Une visite à l’exposition des travaux d’élèves de l’école des Beaux-Arts de Nancy
À notre école des Beaux-Arts, pendant l’année 1927-1928, le labeur fut très intense. L’abondance des devoirs exposés, des essais, des travaux collectifs, démontre très péremptoirement, qu’un beau zèle anime ces jeunes gens et ces jeunes filles, abordant la difficile et noble carrière de l’art.
Et la méthode qui régit l’école apparaît aussi. Méthode serrée, sévère pour les divisions élémentaires, mais qui s’élargit et laisse librement se dégager la personnalité de l’élève dès que la main et l’œil ont subit la stricte discipline nécessaire et possède une suffisante sûreté.
Visiblement, le directeur, M. Victor Prouvé, a l’amour du talent naissant, et le noble scrupule de ne pas contrarier l’orientation naturelle de ce talent. Il est convaincu, nous le sommes aussi, que l’esprit souffle où il veut. Il croit aux vocations d’art. Son enseignement nourrit, attise la flamme, mais la laisse palpiter et s’allonger au vent de l’inspiration personnelle.
Il en est du champ de l’art comme de ceux qu’on laboure et sème sous le ciel. La moisson n’est pas toujours égale. Il y a parfois abondance et sur abondance, mais parfois aussi demi récolte et même disette.
La visite que nous venons de faire aux Beaux-Arts nous convainc, en toute impartialité, que l’année sans être tout à fait riche, fut cependant belle et bonne.
L’exposition de la section sculpture est d’une qualité magnifique. C’est l’avis unanime des visiteurs que j’ai rencontrés. Le professeur, M. Carl, qui est modeste, m’accusera d’exagérer. Mais je dis vrai.
Voici : prise à l’Alexandre de Diogène, composition de Puget, une tête de Diogène, qui est d’une exécution puissante. Un fragment du Milon de Crotone. Une figure d’enfant, sculptée dans la masse en bois. Une copie vraiment exquise en pierre d’un buste de terre cuite du XVIIIe siècle, dit buste de Gilbert. Voici enfin, je regrette de ne pouvoir tout citer, deux reproductions en pierre de deux chef-d’œuvre, l’un de l’antiquité, l’enfant à l’oie, l’autre du Moyen Âge, la vierge d’Amiens , reproduction ou se révèle un praticien remarquable et un artiste.
Ce praticien, cet artiste, est un homme de 29 ans. Il s’appellePinot. Voici son histoire.
Il y avait une fois, mais oui, c’est comme un conte de fées, à Vandières, un jeune cheminot qui, a temps perdu, modelait la glaise et taillait la pierre. Il modelait et taillait, sans autre maître que son instinct, à sa manière. Il se trouva que cette manière, toute frustre qu’elle fut, arrêta l’attention d’un prêtre, homme de goût et homme de cœur.
Pinot était timide et sans ambition. Le prêtre fut audacieux et ambitieux pour lui. Il le mena, tout droit, à notre école des Beaux-Arts. La direction qui, je l’ai dit, à l’amour des talents naissants, fut accueillante. Le prêtre s’en alla, confiant, à M. Carl, le modeste et heureux Pinot.
Cinq années durant, Pinot fut observé, conseillé, jugé. M. Carl a le cœur chaud. Il prit en amitié son élève. Donc, sous le fer et bon regard du maître, devint un artiste. Il passa de la copie à l’original. Devant le modèle vivant, il se révéla portraitiste habile. On se souvient, à l’école, du buste de Melle B., exposé l’année dernière, œuvre pleine de fraîcheur. Pinot sait être, selon qu’il convient, gracieux ou fort.
Voilà donc un beau talent, lorrain, déjà, bien affirmé. Et ce talent est au service d’une pensée haute, noble, apte aux grandes émotions religieuses.
J’ai pensé qu’il convenait de signaler à MM. les prêtres et architectes, bâtisseurs d’églises , ce statuaire capable d’orner un temple des plus belles et des plus sincères sculptures. N’allons pas chercher toujours à Paris des statuts d’un art parfois médiocre. Nous là, tout près, l’homme qu’il faut."
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Prisonniers francais à Holzminden |