![]() |
Mamey rue de l'orme |
L’éclair de l’est du 22 décembre 1914.
Le récit d’un évacué de Mamey.
Parmi les communes les plus éprouvé par la guerre, on peut citer celle de Mamey, dans le canton de Domèvre en Haye.
Ce malheureux village a été bombardé et occupé par les Allemands qui ont emmené plusieurs habitants comme otages. Un de ceux-ci, monsieur Émile Petit, qui a pu s’échapper des mains des boches, nous adresse l’émouvant récit de son odyssée. Nous lui laissons la parole :
Le 5 septembre, les Allemands entraient à Mamey. Ils manifestent une fureur indescriptible et enferment aussitôt tous les hommes dans l’église pour y passer la nuit.
Un jeune homme s’étant enfui, affolé, les soldats le poursuivent, l’amènent devant l’église et le fusillent.
Le lendemain, des milliers d’allemands occupent Mamey et le pillages commence. Les caves sont rapidement mises à sac. Je suis pris par un groupe de ces pillards qui, le revolver sous la gorge, arrachent ma montre.
Pendant cinq jours, les boches chargent sur des voitures, le produit de leurs pillages.
Nous sommes ensuite tranquille jusqu’au 23 septembre où le bombardement nous atteint et où les Allemands prévoyant qu’ils vont être forcés de décamper et furieux de se voir battus portent leur vengeance sur les habitants. À 3 heures de l’après midi, ils donnent l’ordre de réunir tout le monde et enferment les habitants dans une cave.
Les vieillards, les infirmes, les enfants ne sont pas épargnés. Les bourreaux descendent dans cette cave des bidons de pétrole et défendent à leurs victimes de bouger sous peine d’être fusillés.
À 10 heures du soir, il nous emmènent à Fey-en-Haye, village distant de 4 km, où nous arrivons à 1h du matin. Malgré mes supplications, j’ai été séparé de ma famille et je ne sais ce qu’elle est devenue. C’est pour moi le commencement de véritables tortures.
À Fey, nous sommes enfermés dans la salle d’école sur une litière où les blessés allemands sont restés pendant trois jours. L’air est infect et pourtant, on nous défend d’ouvrir les fenêtres. On nous défend même de parler. Nous demeurons là deux jours et deux nuits, sans autre nourriture que quelques pommes de terre que de brave femmes du village peuvent nous donner.
Le 26, nous sommes évacué dans la direction de Vilcey et de Villers-sous-Prény.
À Vilcey, se trouve réunies les populations de Regniéville, et Mamey. On ne trouve pas de quoi manger. Pour obtenir quelques nourritures, nous demandons à un officier, trois autres hommes et moi, de nous permettre d’aller à Vandières. Nous obtenons l’autorisation.
Le temps est superbe. Après notre emprisonnement, nous apprécions notre demi liberté. Près de la gare de Vandières, un poste allemand nous fait rebrousser chemin. Nous trouvons alors l’hospitalité chez une personne du village qui nous donne à manger et nous offre un lit, mais un lieutenant allemand commandant un peloton, baïonnette au canon, survient et nous emmène au poste pour y passer la nuit. Ce lieutenant avait été avisé par le sous-officier commandant le poste de la gare que nous avions voulu traverser la Moselle, afin de rendre compte de ce que nous avions vu aux officiers français.
Le lendemain, 20 soldats viennent nous chercher et nous emmène à Pagny-sur-Moselle où nous sommes internés jusqu’au dimanche 28 septembre. On ne nous donne aucune nourriture et on nous apporte seulement de l’eau dans un saut hygiénique.
Le 28, vers midi, une voiture nous conduit jusqu’à Metz.
Vous dire ce que fut ce trajet est presque impossible. Le véhicule s’arrêtait dans chaque village et là on réunissait les nombreux immigrés qui ont, hélas, envahi nos communes du pays annexé. On nous donnait en spectacle et nous faisions la risée de ces gens auxquels se joignaient les soldats se trouvant dans la localité. Il criaient comme de vrais sauvages et ces paroles revenaient souvent : ia, ai, franzoses, capout.
Nous arrivons à Moulins-les-Metz à cinq heures du soir. Là, se trouve le quartier général. On nous introduit aussitôt dans une salle ou siège un général entouré de son état major.
Un civil, sans doute un agent de la sûreté, nous interroge et transmet nos réponses au général.
Ce dernier, à son tour, nous interroge. Il me demande, en français, pourquoi nous sommes devant lui:
"le motif lui répondis-je, je l’ignore. Nous avons été évacués par vos troupes, notre village étant détruit. Je suis séparé de ma famille et je ne puis obtenir sur elle aucuns renseignements. Nous sommes sans ressources et presque sans vêtements. Que voulez-vous de nous ?"
En lui montrant ma poitrine, j’ai ajouté : "voilà, si vous le jugez à propos, faites-le, je suis prêt".
Sans daigner me répondre, le général poursuit son interrogatoire et questionne mes trois camarades. Il fait ensuite aligner ses soldats devant nous, fait charger les fusils, puis d’un ton bref, il commande aux hommes de nous emmener.
La nuit tombe, il fait un froid glacial que nous supportons mal, étant vêtus très légèrement. Les privations nous ont affaibli et nous chancelons. Nous faudra-t-il aller loin comme cela, nous l’ignorons. Je suis prêt à désespérer. Je pense aux miens, que je ne reverrai pas et qui ignore le sort qui m’est réservé.
Une pensée chrétienne me vient alors à l’esprit et je me sens plus fort. Je prie, je fais du fond du cœur mon acte de contrition. Ces prières, Dieu devait les entendre, car arrivés derrière la caserne où on devait nous fusiller, on nous fait faire demi-tour et on nous fait entrer dans une des chambres de la caserne. Les soldats, tous des territoriaux, nous donnent alors à manger et nous rassurent sur notre sort.
Le lendemain, après un dernier interrogatoire, le général nous fait remettre en liberté et, sur notre demande, nous fait reconduire par un soldat à Pagny-sur-Moselle. À Pagny, le commandant de la place interprète mal l’ordre du général, et nous enferme à nouveau pendant deux jours.
Ce n’est qu’après nos protestations réitérées que le commandant téléphone au quartier général et, est enfin convaincu de notre innocence.
Nous étions donc libéré définitivement, du moins le croyons-nous. Nous avions le droit d’aller et venir dans le village. Deux jours se passent ainsi. Mais voilà que les obus français peuvent subitement sur la gare.
L’ordre est donné d’enfermer dans l’église tous les hommes sans exception.
Nous y demeurons trois jours et trois nuits, au bout desquelles on devait nous en faire sortir en raison des décès fréquents qui se produisait parmi les vieillards.
Avec un de mes camarades, je demande alors l’autorisation de partir pour Vandières, afin de participer aux travaux de la vendange. L’autorisation nécessaire nous est accordé.
Une fois à Vandières, l’idée nous vint à tous deux de chercher le moyen de repasser dans les lignes françaises.
Nous n’avions plus à hésiter, car déjà de nombreux jeunes gens, quoi que français, avait été enrôlés de force dans les régiments allemand. Une personne de Vandières nous indique un gué. Nous le gagnons avec mille précautions afin d’éviter les sentinelles. Nous nous chargeons de pierres afin de pouvoir lutter contre le courant très fort à cet endroit.
Nous parvenons, non sans peine, à gagner l’autre rive, où nous étions à 300 m de Champey, village que je connais très bien. Nous avions compté n’y trouver que quelques patrouilles allemandes, grande fût notre déception quand nous nous aperçûmes qu’il était fortement occupé par les boches.
Un peu plus loin, nous apercevons trois sentinelles qui ne nous avait pas encore vues. Nous nous mettons immédiatement à arracher des betteraves et vers 11h du matin nous faisons notre entrée au village de Champey, comme de paisibles travailleurs de retour des champs. Nous avons la chance de ne pas être interrogés. Le maire, chez qui nous allons veut bien nous cacher chez lui. Huit jours se passe ainsi.
Par une nuit noire, alors que la pluie tombait à torrent, nous sortons de notre cachette et nous nous glissons jusqu’au bord de la rivière.
Nous n’avions plus un fil de sec sur le dos et nous étions transis de froid. Nous fûmes interrogés par des officiers français à qui nous pûmes fournir des renseignements très utile sur ce que nous avions vu.
![]() |
Mamey destructions |
Émile Joseph Petit est né le 6 octobre 1877 à Mamey
Il se marie avec Marie Berthe Lemoine le 4 décembre 1907 à Limey.
Marie Berthe est née le 4 juillet 1883 à Limey.
En 1911, le couple habite rue de l’orme à Mamey. Émile est bûcheron.
Après la guerre, le couple s’installe à Montauville, rue nationale.
Marie Berthe décède le 3 juin 1957 à Montauville à l’âge de 80 ans.
Je n’ai pas trouvé la date de décès d’Émile Joseph Petit. Il est recensé à Montauville jusqu’en 1936.